Eric Roux éreinte la critique
Angoulême, un dimanche matin fin novembre, les Gastronomades battent leur plein.
Entre les démonstrations d'un William Ledeuil ou d'un Yves Camdebordes, l'animateur
du salon culinaire, Jean-Sébastien Petitdemange trouve le temps d'organiser des
débats. Sur le rôle de la critique gastronomique.
Eric Roux participe au débat et dénonce les connivences entre les chefs et la critique.
Il parle de diners, de déjeuners ou de séjours gracieusement offerts. Rappelle qu'à son époque Canal, las des incessants envois de colis gastronomiques, par tous les acteurs de la branche, il avait fini par adopter la seule position qui lui paraissait tenable : renvoyer systématiquement les cadeaux et autres « échantillons-tests ». La généreuse sollicitude des uns avait fini par lui couper l’appétit. Et de s'interroger, du même coup, sur la capacité de ses collègues ou apparentés, à résister à cette forme de corruption qui ne dit pas son nom.
Le marketing a si bien pris sa place dans le milieu que les cuisiniers se voient obligés de faire appel à des attachés de presse (on évoque ici le cas des excellents Olivier Brulard et d’Alexandre Gautier). Les « cuisiniers-artisans » sont contraints de céder aux nécessités de la « promo » pour tenir, face aux « cuisiniers-communicants », sourire ultra-brite, blague enjoleuse aux lèvres et mèche tombant dans les yeux, aussi redoutablement efficaces que des têtes de gondole.
Le débat glisse naturellement sur la question de l’honneteté et la rigueur du travail de critique.
C’est là qu’on s’étonnera d’apprendre que beaucoup de critiques gastronomiques se font sans visiter les lieux.
« Comment parler de Slow food quand on ne s'est jamais rendu dans son berceau à Turin » note Roux en pensant à Ribaud du Monde. Ou encore, le chroniqueur gastronomique de VSD, surpris qu’un patissier, connu pour ses macarons, officiant dans la région parisienne (mais pas à Paris), le remercie d’être venu le voir ; l’heureux avait déjà eu droit, en effet, à de nombreux « papiers » mais c’était bien la première fois qu’un critique mettait les pieds chez lui. Les autres trouvant sans doute plus prudent de se faire une opinion de leur bureau, probablement effrayés à l’idée de dépasser le périphérique ou de prendre le RER.
Et l'impartialité des guides ? Roux décidément très en verve, d’évoquer une curieuse coincidence.
Le petit dernier des guides, "Carnets de Route", dont tout le monde parle, mentionne par exemple une excellente table mais observe le plus parfait des silences sur les, non moins intéressantes chambres de l’établissement (l’appelation hotel-restaurant a « disparu ») et propose de dormir « non loin de là », à 80 km, dans un hotel appartenant au groupe… du financeur du guide ! Quand Ducasse se décarcasse…
Tout le monde est d’accord : Roux comme Flora Mikula ou Phillippe Coursol , les guides et les critiques font partie du passé, l'avenir est aux blogs. A l’exercice d’une critique libre et gartuite faite par les consommateurs, pour les consommateurs...